Depuis 1980, la loi oblige depuis les lieux pratiquants l’IVG à fournir une information complète aux femmes et à proposer une écoute et un accompagnement adaptés. Pourtant, en Gironde, un manque d’accès à l’information et à ces structures persiste.

En 2019, l’Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine (ARS) publie son « programme régional d’accès à l’IVG ». Un état des lieux, mais aussi une liste des pistes pour une meilleure accessibilité à l’information notamment. Parmi ces points, « mieux informer les femmes ». L’ARS* propose un annuaire régional sur l’accès à l’IVG et un dispositif pour « améliorer l’offre à travers une logique de parcours ». Autrement dit, il s’agit d’optimiser toutes les étapes du circuit de l’IVG, depuis la prise de contact dans les secrétariats jusqu’au suivi psychologique en passant par les échographies. Pourtant, certaines étapes du parcours restent parfois défaillantes : manque de psychologues, manque de préparation du personnel soignant, manque de connaissances des dispositifs mis en place par l’ARS… En faisant face à une grossesse non désirée, Pauline** et Lola, deux jeunes femmes girondines, se sont retrouvées démunies parce qu’elles n’arrivaient pas à se renseigner. Lorsqu’il n’existe que 22 centres de planification répertoriés par le département, trouver des espaces pour être écoutée et accompagnée peut parfois relever du parcours du combattant.

Trois semaines d’attente

En juin 2024, lorsque Lola a fait les démarches pour avoir recours à une IVG, son parcours fut compliqué : « Trois semaines pour pouvoir avorter ». Après un test de grossesse positif, elle prend rendez-vous avec une sage-femme. Mais cette dernière ne pratique pas l’IVG. Celle-ci la redirige alors vers un médecin qui lui prescrit la première échographie obligatoire, puis une deuxième, recommandée lors des IVG médicamenteuses, puis encore un rendez-vous avant de recevoir la pilule abortive. Une charge mentale et un stress qui ne la quittent pas pendant plus d’un mois . « Tout est long, tout est administratif, j’ai dû faire deux tests et deux prises de sang, explique-t-elle, je suis partie en vacances enceinte et je n’étais pas tranquille. J’aurai aimé avoir plus d’informations. »
Elle marque des pauses, elle réfléchit. Pour elle, se remémorer cet événement traumatique est difficile. D’autant plus que Lola a cherché, appelé en urgence la première sage-femme disponible sur l’application Doctolib, partant du principe que toutes peuvent prescrire des IVG médicamenteuses.

Deux idées reçues sur l’IVG en Gironde : Le guide pour ne plus se tromper

Pourtant, il existe un annuaire dédié, répertoriant tous les professionnel·les de santé pratiquant une IVG, mis en place par l’ARS, mais « actuellement ce sont les militants (du Planning familial, ndlr) qui l‘actualisent, pour voir si les médecins sur les listes pratiquent toujours les IVG », précise la co-présidente du Planning familial, Annie Carraretto.

L’association peine à proposer ses services sur tout le territoire, notamment dans le Médoc, un désert médical. Les trois Maisons départementales de la solidarité et de l’insertion (MDSI) qui ne proposent qu’un service d’écoute, ne sont ouvertes qu’un seul jour par semaine chacune. Conchita Cimbron, présidente de la seule association féministe du territoire, précise qu’il existe un service de prévention à la clinique de Lesparre, mais qu’il reste « compliqué de toucher les gens qui sont éloignés des soins », lorsque le téléphone du standard sonne dans le vide.

« J’avais peur d’en parler autour de moi »

Quand fin 2023, Pauline, jeune active bordelaise, a eu recours à une IVG médicamenteuse, elle s’est trouvée « dans le flou au moment venu ». Bien que tout se soit bien passé, « je trouve qu’on est mal préparée à ça. J’ai pris conscience de la peur que j’avais d’en parler autour de moi. » Peur de s’adresser à son entourage, peur de tomber sur le ou la mauvais·e médecin, peur d’être jugée.

Lorsque l’on a recours à une IVG, une consultation psycho-sociale doit systématiquement être proposée et obligatoirement être réalisée pour les femmes mineures, d’après le Code de la santé publique. Des entretiens complémentaires peuvent également être proposés. Ce que l’hôpital privé Wallerstein, à Arès, ne respecte pas toujours. Par mail, le secrétariat explique : « Il y a une psychologue qui peut, à la demande du gynécologue, voir les patientes.  Nous ne sommes pas le Planning familial, nous pouvons envoyer les patientes vers la MDSI de Lanton et vers le centre de santé sexuelle d’Andernos quand c’est nécessaire. »
Bien que le Bassin d’Arcachon soit un arrondissement de la Gironde très prisé du personnel de santé, y compris des services d’orthogénie, il est un désert informationnel. L’hôpital privé Wallerstein renvoie les patientes vers le centre de santé sexuelle d’Andernos, ouvert seulement le mercredi, et la MDSI de Lanton, dont la permanence n’a lieu que le jeudi de 14 heures à 17 heures.

Une fois le rendez-vous obtenu, le personnel n’est parfois pas assez informé ni préparé aux IVG. Le jour où Pauline a fait son échographie, la sage-femme n’avait pas compris le motif du rendez-vous. « Elle m’a parlé de l’arrivée du bébé, comme si il allait naître, alors qui ne naîtrait jamais. Je me suis interdit d’écouter pour pas que cela m’atteigne. C’était étrange d’être mêlée à autant de femmes enceintes ou avec un bébé en bas âge… »

Dans certaines chambres d’hôpital, il n’existe pas de salles dédiées à l’avortement. des photos de bébés et des landaus sont toujours exposés. Les problèmes : manque de moyens, d’information et d’écoute venant des centres hospitaliers. Certain·es sages-femmes, comme celles de Pauline et Lola, pensaient faire un suivi de grossesse, et pas une IVG.

© Marie-Lou Legrand-Le Guern, à partir des photos de Sofia Goudjil

* Nous avons contacté l’ARS pour obtenir un bilan de son rapport de 2019, mais ils n’ont pas répondu favorablement à notre demande. 

** Le prénom a été modifié


📞 Si, comme Pauline ou Lola, vous avez besoin d’informations sur l’Interruption volontaire de grossesse, vous pouvez appeler le numéro vert mis en place par le Planning familial : 0 800 08 11 11Anonyme et gratuit.

Haby-Gaëlle Dembélé, Sofia Goudjil, Loretta Legrand, Élise Raimbaux, Sarah Rodriguez, Justine Rouillard