Après l’interdiction de la pêche pendant un mois dans le Golfe de Gascogne en début d’année 2024, nous nous sommes intéressé·es à cette filière. Réglementation européenne, préservation de la ressource, surpêche… Voilà comment on s’y est pris.
Genèse du sujet
Au départ de notre sujet sur la régulation de la pêche dans le Golfe de Gascogne, nous avons récupéré un jeu de données sur les contrôles de pêche réalisés par les autorités françaises (Data.gouv).
À partir de là, le groupe s’est interrogé sur les conséquences environnementales de la pêche industrielle dans le Golfe de Gascogne. Nous avons attentivement pris connaissance d’un rapport de l’association Bloom sur les performances écologiques, économiques et sociales de la pêche professionnelle en France. Le constat de l’organisation est cinglant : la surpêche menace la ressource du Golfe de Gascogne.
Nous avons d’abord dégagé trois hypothèses :
1. Les navires à risques (chaluts et dragues) sont davantage contraventionnés que les autres.
2. Les contrôles de chaluts ne remplissent pas les objectifs de contrôles fixés par l’UE.
3. Le chalutage de fond et la drague sont les méthodes de pêche les plus destructrices pour l’environnement maritime.
Récupération de données
Nous avons récupéré les données facilement sur le portail Data.gouv pour ce qui concerne les statistiques des contrôles des pêches.
Nous avons aussi récupéré un jeu de données sur les subventions attribuées à la pêche en Nouvelle-Aquitaine. Nous souhaitions essayer de définir si la pêche durable était davantage aidée. Cependant, la granularité de la base n’était pas suffisante et nous n’étions pas en capacité de vérifier les chiffres avancés.
Une demande de données, notamment économiques, a été faite auprès de l’Ifremer. Trois jeux de données étaient visés : référentiel des engins de pêche, observation des captures en mer, données socio-économiques. Dix jours après notre sollicitation, l’instance n’a pas eu le temps de traiter la demande.
Tableau 1 : Statistiques des contrôles de pêches en France
Toute notre analyse de données a été réalisée avec l’aide de Google Sheets.
Très rapidement, nous avons été confronté·es à des problématiques typologiques. Le jeu de données manquait de clarté. Il a donc fallu éclaircir et regrouper certains types de bateaux.
Nettoyage
Pour rendre lisible notre jeu de données sur les statistiques des contrôles de pêche en France, nous avons fait plusieurs choix :
- Trois types de contrôles sont possibles : aériens, marins et terrestres. Nous considérons ces trois types indifféremment dans notre analyse.
- Zone de pêche : Les données étant classées par façade maritime, nous avons dû définir quelles zones étaient pertinentes pour circonscrire le Golfe de Gascogne. Le Golfe de Gascogne est à cheval sur deux zones maritimes : Sud-Atlantique (SA) et Nord-Atlantique/Manche Ouest (NAMO) dans le travail de Monitor Fish (créateur de la base de données). La zone SA est entièrement dans le Golfe de Gascogne, alors que le NAMO s’étend jusque dans la Manche. Nous nous concentrons sur la zone “Sud–Atlantique”. Ce choix exclut une tranche maritime entre la Vendée et la pointe Finistère.
- Segment de bateaux : les navires sont définis par leur façon de pêcher. Des dizaines de méthodes de pêche existent. Nous avons fait le choix de les regrouper et conserver les cinq types de bateaux principaux selon leur technique de pêche : chaluts, filets, dragues, lignes, hors segment.
Pour favoriser la lisibilité du tableau de données, plusieurs colonnes non utilisées ont été supprimées.
Analyse des données
Nous avons voulu comparer les chiffres de contrôles visant les navires de pêche considérés à risque élevé et très élevé – bateaux utilisant des techniques de pêche néfastes (chaluts et dragues) pour la préservation de l’environnement marin – et les objectifs fixés par les textes de l’Union européenne régissant la filière (Règlement (CE) no 1224/2009). Dans un premier temps, nous avons mis en relation les types de navires avec le nombre de contraventions dressées. Cela nous permet de montrer que les navires à risque comme les chaluts représentent une majorité des contraventions.
Nous avons hiérarchisé les types de bateaux en fonction du risque qu’ils font peser sur la ressource. Ainsi, à partir des indices de risques du jeu de données, nous avons fait la moyenne des risques en fonction du segment du bateau. Sur une échelle de 1 à 4, les chaluts et les dragues dépassent les 2,5 et sont donc classés à “risque élevé” ou “très élevé”. Ils doivent donc représenter 60 % des contrôles selon le règlement européen.
Un croisement entre le nombre de contrôles et le type de pêche a été effectué pour confirmer la non-réalisation des objectifs européens.
Un élément reste flou : la catégorie “Hors segment” du jeu de données. Selon Célia D’Hervé, cheffe du Centre national de surveillance des pêches (CNSP) : “Pour pouvoir associer un bateau à un segment, il faut trois composantes : les captures, l’engin de pêche et la zone de pêche. Quand il n’y a pas de captures à bord, on ne peut pas les classer. Je ne peux pas dire si ces navires sont davantage des chaluts que d’autres types de bateaux.” Dans notre analyse, nous laissons de côté cette catégorie.
Interrogée également sur les résultats de notre étude, la cheffe du CNSP avoue un objectif non atteint.
Pour ce qui concerne notre deuxième hypothèse, nous nous sommes basé·es sur le rapport “Changer de cap” de l’association Bloom pour illustrer les méthodes de pêche les plus destructrices.
Choix de visualisations
Pour illustrer notre enquête et faire ressortir les données essentielles, nous avons réalisé deux infographies sur Flourish. La première est un graphique qui met en évidence les contrôles réalisés par les autorités publiques sur les bateaux de pêche. Elle montre que l’objectif européen, qui veut que 60% des contrôles soient centrés sur les bateaux présentant un risque élevé ou très élevé pour la biodiversité, n’est pas atteint. La deuxième est un camembert qui montre la répartition des contraventions par types de bateau.
Pour simplifier certains propos complexes, des illustrations se sont imposées. Pour cela, nous avons réalisé une illustration des quatre types de bateaux que l’on retrouve dans notre enquête : le chalutier, le dragueur, le ligneur et le fileyeur, ainsi que les bateaux hors segment, ceux qui n’entrent dans aucune de ces quatre catégories. Ces cinq illustrations sont accompagnées d’une courte description. Cela nous a paru nécessaire pour poser le décor de notre enquête, afin que chacun de nos lecteur·rices puisse se familiariser rapidement avec le monde de la pêche. C’est également pour cela qu’il est possible de retrouver une carte du Golfe de Gascogne, notre zone d’étude, mettant en évidence la ville portuaire de Capbreton, lieu de notre reportage. Pour finir, une illustration vient résumer les trois étapes d’un contrôle en mer.
Interlocuteur·rices
Pour réaliser notre sujet, nous avons alterné les interlocuteur·ices institutionnel·les, professionnel·les et associatif·ves.
Sources biblio-sitographiques
Vermard Youen, Ulrich Clara (2024). “Bilan 2023 du statut des ressources halieutiques débarquées par la pêche française hexagonale en 2022”. [en ligne]
Cosma Cazé, Anatole Danto, Justine Réveillas. Décrypter la controverse autour des captures accidentelles dans le Golfe de Gascogne. UMR 7266 – Littoral Environnement et Sociétés (LIENSs). 2023. [en ligne]
Gascuel Didier, La Pêchécologie. Manifeste pour une pêche vraiment durable, Quae, 2023.
Quemper F., Levrel H., Le Bras Q., Mouillard R., Gascuel D., “Évaluation des performances environnementales, économiques et sociales des flottilles de pêche françaises opérant dans l’Atlantique Nord-Est.”, 2024. Les publications du Pôle halieutique, mer et littoral de L’Institut Agro n° 55. [en ligne]
Le Bras Q., Gascuel D., Quemper F., Levrel H., “Transition et adaptation, analyse des modalités du changement de pratiques des acteurs de la pêche professionnelle”, 2023. Les publications du Pôle halieutique, mer et littoral de L’Institut Agro n° 54, 40 p.
Données
Ministère de la Transition écologique, “Statistiques de contrôle des pêches”, 2024 (version du 29 mars 2024). [en ligne]
Ministère de la Transition écologique, “Registre des navires professionnels français”, 2019. [en ligne]
Notre jeu de données
Nous rendons disponible notre jeu de données créé par nos soins pour réaliser notre enquête. Ainsi, nous donner la possibilité aux lecteur·rices de notre enquête de la mettre à jour, l’entretenir, la compléter, l’améliorer :